La BD Américaine 02 : de l'underground au graphic novel
Une notion d'auteur inconnue
Jusqu’aux années 1960 il n’y a pas de notion d’auteur en bande dessinée, pas seulement aux Etats-Unis mais en Europe également.
Ce qui compte, c’est :
- la série, le personnage (ex : Mickey)
- le copyright (qui a la propriété de la BD) : le syndicate
Le créateur de bande dessinée n’est pas considéré comme un artiste qui créé une œuvre mais comme un « entertainer ». Son statut est comparable à celui d’une vedette de cinéma ou de
télévision.
Le dessinateur dessine sous contrat avec le syndicate. Son salaire est en fonction de la popularité de sa série. Plus une BD est achetée par les journaux, mieux il est payé.
Dans le Comic Book c’est pire, l’auteur s’efface totalement derrière son
personnage.
A partir des années 1940, les auteurs travaillent en « free lance » dans un système de « work for hire ». Vis-à-vis de la loi ils sont considérés comme faisant un travail à façon pour un éditeur.
Après les années 1940 les comics sont réalisés par un atelier.
La notion d’auteur est plutôt floue. On considère qu’il y a de bons dessinateurs et de moins bons, mais on ne connaît pas leurs noms.
Comix Underground
La notion d’auteur aux Etats-Unis arrive presque par accident avec la BD underground par le biais de la question « qui possède cette œuvre ? »
Dans les années 1960, selon la loi américaine, pour le comic book c’est l’éditeur. Mais dans la BD underground, ce sera l’auteur…
Dans les années 1960, de nombreux auteurs seront influencés par la BD satirique « MAD » de Harvey Kurtzman. Le genre satirique est alors une tendance
dans la culture occidentale (1960 « Hara-Kiri » en France).
Les auteurs publient dans des revues de campus dont certaines évoluent pour devenir des revues de presse parallèles underground, elles deviennent « hippies ».( « The last village other »)
Il y a un moment décisif dans la BD underground :
En 1968, Rober Crumb réalise et édite seul le comic book « Zap Comix ».
C’est clairement une appropriation et un détournement du format comic book pour publier de la BD underground. Il va même jusqu’à parodier le timbre du comic code.
Il est immédiatement imité par la jeune génération d’auteurs et d’éditeurs.
Le mouvement hippie et de contre-culture a trouvé un nouveau support pour s’exprimer.
Le moment fort de l’underground se situe entre 1968-73 (même s’il continue encore après).
De petites structures se forment pour éditer des comixs, parfois à compte d’auteur.
Le format est toujours le même : un format comic book, une couverture en couleur, l’intérieur en noir et blanc, un peu plus cher que le comic
normal
Les sujets abordés sont audacieux :
- le sexe : on en parle, on le montre (« Bizarre Sex »)
- la violence et le racisme de la société américaine
- la politique : contre la guerre au Vietnam notamment
- la religion (« God Nose ») Est souvent évoqué l’aspect répressif de la religion, surtout
catholique
- la drogue (« Feds ‘N Heads », « Head comix », «
Freak Brothers »)
La BD de contre-culture des années 1960 se publie dans les magazines, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe (« Actuel !? »)
Dans la BD underground :
- se sont surtout les auteurs qui sont mis en avant (Crumb devient la première « vedette » de la BD underground)
- il n’est pas question de copyright : se sont les auteurs qui sont propriétaires de leur BD et ont la liberté d’en faire ce qu’ils
veulent.
Le gros du mouvement underground va jusqu’en 1973, mais les comixs continuent jusque dans les années 1980. L’underground est une notion de
contre-culture, une contestation de l’ordre établi, sa diffusion se fait sur des circuits parallèles.
Peu à peu, dans les années 1980 on voit apparaître des éditeurs indépendants.
Les auteurs de BD traditionnelle (« Mainstream ») jalousent leurs collègues underground pour leur liberté de création.
La BD underground bénéficie d’un statut particulier car sa diffusion est particulière (les vendeurs de journaux, les head shop où l’on trouve tout le matériel nécessaire au bon hippie…)
Avec l’essoufflement du mouvement hippie et l’érosion des ventes la diffusion des comixs passe des heads shops aux librairies spécialisées.
Les parutions underground ne sont pas du tout régulières. On va chercher à donner une continuité au mouvement underground en regroupant les BD dans des magazines. (« Comix Book » 1974, « Arcade » 1975…)
Le comixs est un espace de liberté totale. On continue à y mettre en avant ce dont on ne parle pas ailleurs : féminisme, crimes commis par les grandes sociétés, l’homosexualité…
Plus de liberté pour les auteurs mainstream…
Au cours des années 1970 certains comics qui ne sont pas
underground reprennent la même présentation que ceux-ci (couverture couleur, intérieur noir et blanc) et sont distribués par les librairies spécialisées, leurs sujets restent toutefois proches de
ceux du Mainstream. Ce qu’ils veulent, être plus libres…
- « Star * Reach » comic book de SF.
- 1976 « Heavy metal » version américaine de « Métal Hurlant », où sont publiées des BD européennes
mais aussi des œuvres originales américaines
- « Sabre » l par Don McGregor et Paul Gulacy.
- 1978 « A contract with God – A graphic Novel » de Will Eisner
- 1978 « Cerebus » une parodie de « Conan le Barbare » en près de 300 numéros.
- 1978 début de « Elfquest » de l’Heroic Fantasy.
1981 : premiers comics en couleurs pour concurrencer le Mainstream par de petits éditeurs
Marvel et DC réagissent en lançant une collection où les auteurs gardent leurs droits, ou ont droit à un intéressement aux ventes.
Ex : Frank Miller avec « Ronin » une mini-série de 6 numéros où il garde ses droits
A cette époque, il existe donc plusieurs voies pour un auteur qui voudrait conserver ses droits.
Cela bénéficie à tous : les maisons d’éditions gardent leurs bons auteurs, et les auteurs leurs droits.
La distribution se fait dans des librairies spécialisées (les vendeurs de journaux sont en perte de vitesse). De nombreux petits éditeurs se lancent…
2 magazines issus de l’underground marquent les années 1980 :
> « Raw » créé par Art Spiegelman, avec une approche artistique de la BD (distribué dans les galerie d’art).
> « Weirdo » est plus proche de l’art populaire, de l’art modeste.
Ces auteurs à l’esprit underground sont également publiés dans la presse culturelle gratuite des villes américaines (ex : Charles Burns, l’auteur de « Black
Hole », Matt Groening le créateur des « Simpson »).
Les années 1980 ont vu la première succes story de la BD de « creator owned » avec les « Tortues Ninja » (« Teenage Mutan Ninja Turtles »)
C’est un mélange de ninjas, de mutants…La série s’adresse aux lecteurs de comics qui voient tout de suite les clins d’œil à Miller (la couverture est une référence à la couverture de «
Ronin »).. C’est un petit succès dans les librairies spécialisées. Puis de fil en aiguille, des entreprises prennent des options pour des jouets, des
dessins animés, etc.
Comme les auteurs ont publié leur premier numéro eux-mêmes, ils sont propriétaires de tout. En quelques années, ils deviennent millionnaires
Les auteurs de BD comprennent qu’ils peuvent faire carrière chez Marvel et DC, jusqu’à y acquérir une certaine notoriété, mais que ce n’est pas une fin en soit. Ils doivent par la suite faire
leurs propres créations.
Le
roman graphique
Fin des années 1980 : première explosion du roman graphique, grâce à 3 œuvres parues dans les années 1980 et publiées en livre :
> « Batman Dark Knight » de Frank Miller
> « Watchman » des auteurs britanniques Allan More et Dave Gibons
> « Maus » d’Art Spiegelman, la BD a reçu le prix Pulitzer en 1992 (le seul décerné à une BD jusqu’à présent)
L’effet médiatique est très important.
Même s’il y a une reconnaissance du genre, le passage par la prépublication est encore un passage obligé. Il faut du temps pour créer et
mettre en place ces histoires. Entre-temps, l’auteur doit vivre. La solution passe donc par la publication en feuilleton, dans les revues (celle de l’auteur ou d’autres) avant la publication en livres.
« Yummy Fur » de Chester Brown
« Eigthball » de Daniel Clowes
« Palooka-Ville » de Seth
« Peep Show » de Joe Matt
« Acme Novelty Library » par Chris Ware
« Neat Stuff » Peter Bagge, il fait aussi le Comic Book “Hate!”
« Naughty Bits » Roberta Gregory
« Pickle » Dylan Hanocks
Il y a même des prépublications qui regroupent des fascicules
« From Hell » de Allan Moore et Campbell
« Cages » de Dave McKean
« Louis Riel » de Chester Brown
Le début des années 1990 marque l’apogée du mouvement.
Les tendances actuelles
Début des années 2000, de grands éditeurs (pas forcément de BD) ont commencé à publier des romans graphiques,
Les éditions jeunesse s’intéressent à la BD et créent directement des BD livres pour enfant (grâce notamment au succès de « Bone » dans sa version couleur)
Actuellement chez Marvel et DC se sont plutôt les scénaristes qui s’expriment. Ils sont même plus des vedettes que les dessinateurs.
Internet permet aux jeunes auteurs de publier directement leurs créations. Certains sortent par la suite une version papier, d’autres
attendent d’être publiés par des éditeurs.
Compte-rendu de Stage MDP Colmar
avec Jean-Paul JENNEQUIN
La BD Américaine 01 : les Comics
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